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LES FRÈRES CORSES

— Alors, il s’approcha lentement de mon lit. Je me soulevai sur le coude.

« — Soyez le bienvenu, mon père, lui dis-je.

« Il s’approcha de moi, me regarda fixement, et il me sembla que cet œil atone s’animait par la force du sentiment paternel.

— Continuez… c’est terrible !…

— Alors, ses lèvres remuèrent, et, chose étrange, quoique ses paroles ne produisissent aucun son, je les entendais retentir au dedans de moi-même, distinctes et vibrantes comme un écho.

— Et que vous a-t-il dit ?

— Il m’a dit :

« — Pense à Dieu, mon fils !

« — Je serai donc tué dans ce duel ? demandai-je.

« Je vis deux larmes couler de ces yeux sans regard sur le visage pâle du spectre.

« — Et à quelle heure ?

« Il tourna le doigt vers la pendule. Je suivis la direction indiquée. La pendule marquait neuf heures dix minutes.

« — C’est bien, mon père, répondis-je alors. Que la volonté de Dieu soit faite. Je quitte ma mère, c’est vrai, mais pour vous rejoindre, vous.

« Alors un pâle sourire passa sur ses lèvres, et, me faisant un signe d’adieu, il s’éloigna.