« Aujourd’hui, je pars pour éviter ce demain qui me serait trop désagréable à supporter.
« Vous comprenez cela, n’est-ce pas, madame et très précieuse épouse ?
« Je dis :
« Vous comprenez, parce que vous savez aussi bien que moi mes affaires ; vous les savez même mieux que moi, attendu que s’il s’agissait de dire où a passé une bonne moitié de ma fortune, naguère encore assez belle, j’en serais incapable ; tandis que vous, au contraire, j’en suis certain, vous vous en acquitteriez parfaitement.
« Car les femmes ont des instincts d’une sûreté infaillible ; elles expliquent par une algèbre qu’elles ont inventée le merveilleux lui-même. Moi qui ne connaissais que mes chiffres, je n’ai plus rien su du jour où mes chiffres m’ont trompé.
« Avez-vous quelquefois admiré la rapidité de ma chute, madame ?
« Avez-vous été un peu éblouie de cette incandescente fusion de mes lingots ?
« Moi, je l’avoue, je n’y ai vu que du feu ; espérons que vous avez retrouvé un peu d’or dans les cendres.
« C’est avec ce consolant espoir que je m’éloigne, madame et très prudente épouse, sans que ma conscience me reproche le moins du monde de vous abandonner ; il vous reste des amis, les cendres en question, et, pour comble de bonheur, la liberté que je m’empresse de vous rendre.
« Cependant, madame, le moment est arrivé de placer dans ce paragraphe un mot d’explication intime.
« Tant que j’ai espéré que vous travailliez au bien-être de notre maison, à la fortune de notre fille, j’ai philosophiquement fermé les yeux ; mais, comme vous avez fait