Cette décision prise, Morcerf demanda la permission de se retirer ; il avait à recueillir les pièces amassées depuis longtemps par lui pour faire tête à cet orage, prévu par son cauteleux et indomptable caractère.
Beauchamp raconta au jeune homme toutes les choses que nous venons de dire à notre tour : seulement son récit eut sur le nôtre l’avantage de l’animation des choses vivantes sur la froideur des choses mortes.
Albert l’écouta en frémissant tantôt d’espoir, tantôt de colère, parfois de honte ; car, par la confidence de Beauchamp, il savait que son père était coupable, et il se demandait comment, puisqu’il était coupable, il pourrait en arriver à prouver son innocence.
Arrivé au point où nous en sommes, Beauchamp s’arrêta.
— Ensuite ? demanda Albert.
— Ensuite ? répéta Beauchamp.
— Oui.
— Mon ami, ce mot m’entraîne dans une horrible nécessité. Voulez-vous donc savoir la suite ?
— Il faut absolument que je la sache, mon ami, et j’aime mieux la connaître de votre bouche que d’aucune autre.
— Eh bien ! reprit Beauchamp, apprêtez donc votre courage, Albert ; jamais vous n’en aurez eu plus besoin.
Albert passa une main sur son front pour s’assurer de sa propre force, comme un homme qui s’apprête à défendre sa vie essaye sa cuirasse et fait ployer la lame de son épée.
Il se sentit fort, car il prenait sa fièvre pour de l’énergie.
— Allez ! dit-il.
— Le soir arriva, continua Beauchamp. Tout Paris était dans l’attente de l’événement. Beaucoup prétendaient que votre père n’avait qu’à se montrer pour faire