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peut-être alors vous remettra-t-on une autre lettre et vous chargera-t-on de quelque mission. Cette mission qui m’était réservée, Dantès, vous l’accomplirez à ma place et tout l’honneur en sera pour vous.

— Je le ferai, capitaine, mais peut-être n’arrive-t-on pas si facilement que vous le pensez près du grand maréchal.

— Voici une bague que vous lui ferez parvenir, dit le capitaine, et qui lèvera toutes les difficultés.

Et à ces mots il me remit une bague.

Il était temps : deux heures après le délire le prit ; le lendemain il était mort.

— Et que fîtes-vous alors ?

— Ce que je devais faire. Monsieur, ce que tout autre eût fait à ma place : en tout cas, les prières d’un mourant sont sacrées ; mais chez les marins les prières d’un supérieur sont des ordres que l’on doit accomplir. Je fis donc voile vers l’île d’Elbe, où j’arrivai le lendemain, je consignai tout le monde à bord et je descendis seul à terre. Comme je l’avais prévu, on fit quelques difficultés pour m’introduire près du grand maréchal ; mais je lui envoyai la bague qui devait me servir de signe de reconnaissance, et toutes les portes s’ouvrirent devant moi. Il me reçut, m’interrogea sur les dernières circonstances de la mort du malheureux Leclère, et, comme celui-ci l’avait prévu, il me remit une lettre qu’il me chargea de porter en personne à Paris. Je le lui promis, car c’était accomplir les dernières volontés de mon capitaine. Je descendis à terre, je réglai rapidement toutes les affaires de bord ; puis je courus voir ma fiancée, que je retrouvai plus belle et plus aimante que jamais. Grâce à M. Morrel, nous passâmes par-dessus toutes les difficultés ecclésiastiques ; enfin, Monsieur, j’assistais,