— Le drôle n’est pas encore si ivre qu’il en a l’air, dit Danglars ; versez-lui donc à boire, Fernand.
Fernand remplit le verre de Caderousse, et celui-ci, en véritable buveur qu’il était, leva la main de dessus le papier et la porta à son verre.
Le Catalan suivit le mouvement jusqu’à ce que Caderousse, presque vaincu par cette nouvelle attaque, reposât ou plutôt laissât retomber son verre sur la table.
— Eh bien ? reprit le Catalan en voyant que le reste de la raison de Caderousse commençait à disparaître sous ce dernier verre de vin.
— Eh bien ! je disais donc, par exemple, reprit Danglars, que si, après un voyage comme celui que vient de faire Dantès, et dans lequel il a touché à Naples et à l’île d’Elbe, quelqu’un le dénonçait au procureur du roi comme agent bonapartiste…
— Je le dénoncerai, moi ! dit vivement le jeune homme.
— Oui ; mais alors on vous fait signer votre déclaration, on vous confronte avec celui que vous avez dénoncé : je vous fournis de quoi soutenir votre accusation, je le sais bien ; mais Dantès ne peut rester éternellement en prison, un jour ou l’autre il en sort, et, ce jour où il en sort, malheur à celui qui l’y a fait entrer !
— Oh ! je ne demande qu’une chose, dit Fernand, c’est qu’il vienne me chercher une querelle !
— Oui, et Mercédès ! Mercédès, qui vous prend en haine si vous avez seulement le malheur d’écorcher l’épiderme à son bien-aimé Edmond !
— C’est juste, dit Fernand.
— Non, non, reprit Danglars, si on se décidait à une pareille chose, voyez-vous, il vaudrait bien mieux prendre tout bonnement, comme je le fais, cette plume, la tremper dans l’encre, et écrire de la main gauche, pour