— Eh bien ! comprenez-vous, dit-il, qu’il n’y a pas besoin de le tuer ?
— Non, certes, si, comme vous le disiez tout à l’heure on avait le moyen de faire arrêter Dantès. Mais ce moyen, l’avez-vous ?
— En cherchant bien, dit Danglars, on pourrait le trouver. Mais, continua-t-il, de quoi diable vais-je me mêler là ; est-ce que cela me regarde ?
— Je ne sais pas si cela vous regarde, dit Fernand en lui saisissant le bras ; mais ce que je sais, c’est que vous avez quelque motif de haine particulière contre Dantès : celui qui hait lui-même ne se trompe pas aux sentiments des autres.
— Moi, des motifs de haine contre Dantès ? Aucun, sur ma parole. Je vous ai vu malheureux et votre malheur m’a intéressé, voilà tout ; mais du moment où vous croyez que j’agis pour mon propre compte, adieu, mon cher ami, tirez-vous d’affaire comme vous pourrez.
Et Danglars fit semblant de se lever à son tour.
— Non pas, dit Fernand en le retenant, restez ! Peu m’importe, au bout du compte, que vous en vouliez à Dantès, ou que vous ne lui en vouliez pas : je lui en veux, moi ; je l’avoue hautement. Trouvez le moyen, et je l’exécute, pourvu qu’il n’y ait pas mort d’homme, car Mercédès a dit qu’elle se tuerait si l’on tuait Dantès.
Caderousse, qui avait laissé tomber sa tête sur la table, releva le front, et regardant Fernand et Danglars avec des yeux lourds et hébétés :
— Tuer Dantès ! dit-il, qui parle ici de tuer Dantès ? Je ne veux pas qu’on le tue, moi : c’est mon ami ; il a offert ce matin de partager son argent avec moi, comme j’ai partagé le mien avec lui : je ne veux pas qu’on tue Dantès.