vous l’ai déjà dit et je vous le redis, je me ferai couper en morceaux plutôt que de vous trahir.
— Vous avez bien fait de me parler, vous avez bien fait de me prier ; car j’allais former un autre plan et m’éloigner de vous. Mais votre âge me rassure, je vous rejoindrai, attendez-moi.
— Quand cela ?
— Il faut que je calcule nos chances ; laissez-moi vous donner le signal.
— Mais vous ne m’abandonnerez pas, vous ne me laisserez pas seul, vous viendrez à moi, ou vous me permettrez d’aller à vous ? Nous fuirons ensemble, et, si nous ne pouvons fuir, nous parlerons, vous des gens que vous aimez, moi des gens que j’aime. Vous devez aimer quelqu’un ?
— Je suis seul au monde.
— Alors vous m’aimerez, moi : si vous êtes jeune, je serai votre camarade ; si vous êtes vieux, je serai votre fils. J’ai un père qui doit avoir soixante-dix ans, s’il vit encore ; je n’aimais que lui et une jeune fille qu’on appelait Mercédès. Mon père ne m’a pas oublié, j’en suis sûr ; mais elle. Dieu sait si elle pense encore à moi. Je vous aimerai comme j’aimais mon père.
— C’est bien, dit le prisonnier, à demain.
Ce peu de paroles furent dites avec un accent qui convainquit Dantès ; il n’en demanda pas davantage, se releva, prit les mêmes précautions pour les débris tirés du mur qu’il avait déjà prises, et repoussa son lit contre la muraille.
Dès lors Dantès se laissa aller tout entier à son bonheur ; il n’allait plus être seul certainement, peut-être même allait-il être libre ; le pis-aller, s’il restait prisonnier, était d’avoir un compagnon ; or la captivité