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commença à douter de ses sens, à croire que ce qu’il prenait pour un souvenir de sa mémoire n’était rien autre chose qu’une hallucination de son cerveau, et que cet ange consolateur qui était apparu dans sa prison y était descendu sur l’aile d’un rêve.

Au bout d’un an, le gouverneur fut changé, il avait obtenu la direction du fort de Ham ; il emmena avec lui plusieurs de ses subordonnés et entre autres le geôlier de Dantès. Un nouveau gouverneur arriva ; il eût été trop long pour lui d’apprendre les noms de ses prisonniers, il se fit représenter seulement leurs numéros. Cet horrible hôtel garni se composait de cinquante chambres ; leurs habitants furent appelés du numéro de la chambre qu’ils occupaient, et le malheureux jeune homme cessa de s’appeler de son prénom d’Edmond ou de son nom de Dantès, il s’appela le no 34.



XV

LE NUMÉRO 34 ET LE NUMÉRO 27.

Dantès passa tous les degrés du malheur que subissent les prisonniers oubliés dans une prison.

Il commença par l’orgueil, qui est une suite de l’espoir et une conscience de l’innocence ; puis il en vint à douter de son innocence, ce qui ne justifiait pas mal les idées du gouverneur sur l’aliénation mentale ; enfin il tomba du haut de son orgueil, il pria, non pas encore Dieu, mais les hommes ; Dieu est le dernier recours. Le malheureux, qui devrait commencer par le Seigneur