conserva précieusement entre ses mains cette demande qui, pour sauver Dantès dans le présent, le compromettait si effroyablement dans l’avenir, en supposant une chose que l’aspect de l’Europe et la tournure des événements permettaient déjà de supposer, c’est-à-dire une seconde restauration.
Dantès demeura donc prisonnier : perdu dans les profondeurs de son cachot, il n’entendit point le bruit formidable de la chute du trône de Louis XVIII et celui plus épouvantable encore de l’écroulement de l’empire.
Mais Villefort, lui, avait tout suivi d’un œil vigilant, tout écouté d’une oreille attentive. Deux fois, pendant cette courte apparition impériale que l’on appela les Cent-Jours, Morrel était revenu à la charge, insistant toujours pour la liberté de Dantès, et chaque fois Villefort l’avait calmé par des promesses et des espérances ; enfin Waterloo arriva. Morrel ne reparut pas chez Villefort : l’armateur avait fait pour son jeune ami tout ce qu’il était humainement possible de faire ; essayer de nouvelles tentatives sous cette seconde restauration était se compromettre inutilement.
Louis XVIII remonta sur le trône. Villefort, pour qui Marseille était plein de souvenirs devenus pour lui des remords, demanda et obtint la place de procureur du roi vacante à Toulouse ; quinze jours après son installation dans sa nouvelle résidence, il épousa mademoiselle Renée de Saint-Méran, dont le père était mieux en cour que jamais.
Voilà comment Dantès, pendant les Cent-Jours et après Waterloo, demeura sous les verrous, oublié, sinon des hommes, au moins de Dieu.
Danglars comprit toute la portée du coup dont il avait frappé Dantès, en voyant revenir Napoléon en France :