Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/162

Cette page a été validée par deux contributeurs.

jeta au feu, mit une casquette de voyage, appela son valet de chambre, lui interdit d’un regard les mille questions qu’il avait envie de faire, régla son compte avec l’hôtel, sauta dans sa voiture qui l’attendait tout attelée, apprit à Lyon que Bonaparte venait d’entrer à Grenoble, et, au milieu de l’agitation qui régnait tout le long de la route, arriva à Marseille, en proie à toutes les transes qui entrent dans le cœur de l’homme avec l’ambition et les premiers honneurs.



XIII

LES CENT-JOURS.

M. Noirtier était un bon prophète, et les choses marchèrent vite comme il l’avait dit. Chacun connaît ce retour de l’île d’Elbe, retour étrange, miraculeux, qui, sans exemple dans le passé, restera probablement sans imitation dans l’avenir.

Louis XVIII n’essaya que faiblement de parer ce coup si rude : son peu de confiance dans les hommes lui ôtait sa confiance dans les événements. La royauté, ou plutôt la monarchie à peine reconstituée par lui, trembla sur sa base encore incertaine, et un seul geste de l’empereur fit crouler tout cet édifice, mélange informe de vieux préjugés et d’idées nouvelles. Villefort n’eut donc de son roi qu’une reconnaissance non seulement inutile pour le moment, mais même dangereuse, et cette croix d’officier de la Légion d’honneur, qu’il eut la prudence de ne pas montrer, quoique M. de Blacas, comme le lui avait