m’en rapporte à ta prudence pour faire disparaître tous les objets que je laisse à ta garde.
— Oh ! soyez tranquille, mon père, dit Villefort.
— Oui, oui ! et maintenant je crois que tu as raison, et que tu pourrais bien, en effet, m’avoir sauvé la vie ; mais, sois tranquille, je te rendrai cela prochainement.
Villefort hocha la tête.
— Tu n’es pas convaincu ?
— J’espère du moins que vous vous trompez.
— Reverras-tu le roi ?
— Peut-être.
— Veux-tu passer à ses yeux pour un prophète ?
— Les prophètes de malheur sont mal venus à la cour, mon père.
— Oui ; mais un jour ou l’autre on leur rend justice ; et suppose une seconde restauration, alors tu passeras pour un grand homme.
— Enfin, que dois-je dire au roi ?
— Dis-lui ceci : « Sire, on vous trompe sur les dispositions de la France, sur l’opinion des villes, sur l’esprit de l’armée ; celui que vous appelez à Paris l’ogre de Corse, qui s’appelle encore l’usurpateur à Nevers, s’appelle déjà Bonaparte à Lyon, et l’empereur à Grenoble. Vous le croyez traqué, poursuivi, en fuite ; il marche, rapide comme l’aigle qu’il rapporte. Les soldats, que vous croyez mourants de faim, écrasés de fatigue, prêts à déserter, s’augmentent comme les atomes de neige autour de la boule qui se précipite. Sire, partez ; abandonnez la France à son véritable maître, à celui qui ne l’a pas achetée, mais conquise ; partez, sire, non pas que vous couriez quelque danger, votre adversaire est assez fort pour faire grâce, mais parce qu’il serait humiliant pour un petit-fils de saint Louis de devoir la vie à