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l’île d’Elbe au lieu de revenir directement à Marseille.

— Quant à prendre le commandement du navire, dit l’armateur, c’était son devoir comme second ; quant à perdre un jour et demi à l’île d’Elbe, il a eu tort ; à moins que le navire n’ait eu quelque avarie à réparer.

— Le navire se portait comme je me porte, et comme je désire que vous vous portiez, monsieur Morrel ; et cette journée et demie a été perdue par pur caprice, pour le plaisir d’aller à terre, voilà tout.

— Dantès, dit l’armateur se retournant vers le jeune homme, venez donc ici.

— Pardon, Monsieur, dit Dantès, je suis à vous dans un instant. Puis s’adressant à l’équipage :

— Mouille ! dit-il.

Aussitôt l’ancre tomba, et la chaîne fila avec bruit. Dantès resta à son poste, malgré la présence du pilote, jusqu’à ce que cette dernière manœuvre fût terminée ; puis alors : Abaissez la flamme à mi-mât, mettez le pavillon en berne, croisez les vergues !

— Vous voyez, dit Danglars, il se croit déjà capitaine, sur ma parole.

— Et il l’est de fait, dit l’armateur.

— Oui, sauf votre signature et celle de votre associé, monsieur Morrel.

— Dame ! pourquoi ne le laisserions-nous pas à ce poste ? dit l’armateur. Il est jeune, je le sais bien, mais il me paraît tout à la chose, et fort expérimenté dans son état.

Un nuage passa sur le front de Danglars.

— Pardon, monsieur Morrel, dit Dantès en s’approchant ; maintenant que le navire est mouillé, me voilà tout à vous : vous m’avez appelé, je crois ?

Danglars fit un pas en arrière.