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— Oui, mais d’un moment à l’autre elle peut le trouver.

— Oui, dit Noirtier en regardant insoucieusement autour de lui, oui, si cet homme n’est pas averti, mais il l’est ; et, ajouta-t-il en souriant, il va changer de visage et de costume.

À ces mots il se leva, mit bas sa redingote et sa cravate, alla vers une table sur laquelle étaient préparées toutes les pièces du nécessaire de toilette de son fils, prit un rasoir, se savonna le visage, et d’une main parfaitement ferme abattit ces favoris compromettants qui donnaient à la police un document si précieux.

Villefort le regardait faire avec une terreur qui n’était pas exempte d’admiration.

Ses favoris coupés, Noirtier donna un autre tour à ses cheveux ; prit, au lieu de sa cravate noire, une cravate de couleur qui se présentait à la surface d’une malle ouverte ; endossa, au lieu de sa redingote bleue et boutonnante, une redingote de Villefort, de couleur marron et de forme évasée ; essaya devant la glace le chapeau à bords retroussés du jeune homme, parut satisfait de la manière dont il lui allait, et, laissant la canne de jonc dans le coin de la cheminée où il l’avait posée, il fit siffler dans sa main nerveuse une petite badine de bambou avec laquelle l’élégant substitut donnait à sa démarche la désinvolture qui en était une des principales qualités.

— Eh bien ! dit-il, se retournant vers son fils stupéfait, lorsque cette espèce de changement à vue fut opéré ; eh bien ! crois-tu que la police me reconnaisse maintenant ?

— Non, mon père, balbutia Villefort ; je l’espère du moins.

— Maintenant, mon cher Gérard, continua Noirtier, je