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lieues dans l’intérieur de la France sans être poursuivi, traqué, pris comme une bête fauve.

— Mon cher ami, l’empereur est en ce moment sur la route de Grenoble, le dix ou le douze il sera à Lyon, et le vingt ou le vingt-cinq à Paris.

— Les populations vont se soulever…

— Pour aller au-devant de lui.

— Il n’a avec lui que quelques hommes, et l’on enverra contre lui des armées.

— Qui lui feront escorte pour rentrer dans la capitale. En vérité, mon cher Gérard, vous n’êtes encore qu’un enfant ; vous vous croyez bien informé parce qu’un télégraphe vous dit, trois jours après le débarquement : « L’usurpateur est débarqué à Cannes avec quelques hommes ; on est à sa poursuite. » Mais où est-il ? que fait-il ? vous n’en savez rien ; on le poursuit, voilà tout ce que vous savez. Eh bien ! on le poursuivra ainsi jusqu’à Paris sans brûler une amorce.

— Grenoble et Lyon sont des villes fidèles, et qui lui opposeront une barrière infranchissable.

— Grenoble lui ouvrira ses portes avec enthousiasme, Lyon tout entier ira au-devant de lui. Croyez-moi, nous sommes aussi bien informés que vous, et notre police vaut bien la vôtre : en voulez-vous une preuve ? c’est que vous vouliez me cacher votre voyage, et que cependant j’ai su votre arrivée une demi-heure après que vous avez eu passé la barrière ; vous n’avez donné votre adresse à personne qu’à votre postillon, eh bien, je connais votre adresse, et la preuve en est que j’arrive chez vous juste au moment où vous allez vous mettre à table : sonnez donc, et demandez un second couvert ; nous dînerons ensemble.

— En effet, répondit Villefort, regardant son père avec