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— Oui, sans doute, dit le ministre, mais il s’avance par Gap et Sisteron.

— Il s’avance, il s’avance, dit Louis XVIII ; il marche donc sur Paris ?

Le ministre de la police garda un silence qui équivalait au plus complet aveu.

— Et le Dauphiné, Monsieur, demanda le roi à Villefort, croyez-vous qu’on puisse le soulever comme la Provence ?

— Sire, je suis fâché de dire à Votre Majesté une vérité cruelle ; mais l’esprit du Dauphiné est loin de valoir celui de la Provence et du Languedoc. Les montagnards sont bonapartistes, sire.

— Allons, murmura Louis XVIII, il était bien renseigné. Et combien d’hommes a-t-il avec lui ?

— Sire, je ne sais, dit le ministre de la police.

— Comment, vous ne savez ! Vous avez oublié de vous informer de cette circonstance ? Il est vrai qu’elle est de peu d’importance, ajouta-t-il avec un sourire écrasant.

— Sire, je ne pouvais m’en informer ; la dépêche portait simplement l’annonce du débarquement et de la route prise par l’usurpateur.

— Et comment donc vous est parvenue cette dépêche ? demanda le roi.

Le ministre baissa la tête, et une vive rougeur envahit son front.

— Par le télégraphe, sire, balbutia-t-il.

Louis XVIII fit un pas en avant et croisa les bras comme eût fait Napoléon.

— Ainsi, dit-il, pâlissant de colère, sept armées coalisées auront renversé cet homme ; un miracle du ciel m’aura replacé sur le trône de mes pères après vingt-cinq ans d’exil ; j’aurai, pendant ces vingt-cinq ans, étudié,