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jeune homme, un grand malheur, pour moi surtout : à la hauteur de Civita-Vecchia, nous avons perdu ce brave capitaine Leclère.

— Et le chargement ? demanda vivement l’armateur.

— Il est arrivé à bon port, monsieur Morrel, et je crois que vous serez content sous ce rapport ; mais ce pauvre capitaine Leclère…

— Que lui est-il donc arrivé ? demanda l’armateur d’un air visiblement soulagé ; que lui est-il donc arrivé, à ce brave capitaine ?

— Il est mort.

— Tombé à la mer ?

— Non, monsieur ; mort d’une fièvre cérébrale, au milieu d’horribles souffrances. Puis, se retournant vers ses hommes :

— Holà hé ! dit-il, chacun à son poste pour le mouillage ! 

L’équipage obéit. Au même instant, les huit ou dix matelots qui le composaient s’élancèrent les uns sur les écoutes, les autres sur les bras, les autres aux drisses, les autres aux hallebas des focs, enfin les autres aux cargues des voiles.

Le jeune marin jeta un coup d’œil nonchalant sur ce commencement de manœuvre, et, voyant que ses ordres allaient s’exécuter, il revint à son interlocuteur.

— Et comment ce malheur est-il donc arrivé ? continua l’armateur, reprenant la conversation où le jeune marin l’avait quittée.

— Mon Dieu, monsieur, de la façon la plus imprévue : après une longue conversation avec le commandant du port, le capitaine Leclère quitta Naples fort agité ; au bout de vingt-quatre heures, la fièvre le prit ; trois jours après il était mort…