n’y eut plus d’huile : elle ne vit pas plus l’obscurité qu’elle n’avait vu la lumière, et le jour revint sans qu’elle vît le jour.
La douleur avait mis devant ses yeux un bandeau qui ne lui laissait voir qu’Edmond.
— Ah ! vous êtes là ! dit-elle enfin en se retournant du côté de Fernand.
— Depuis hier je ne vous ai pas quittée, répondit Fernand avec un soupir douloureux.
M. Morrel ne s’était pas tenu pour battu : il avait appris qu’à la suite de son interrogatoire Dantès avait été conduit à la prison ; il avait alors couru chez tous ses amis, il s’était présenté chez les personnes de Marseille qui pouvaient avoir de l’influence, mais déjà le bruit s’était répandu que le jeune homme avait été arrêté comme agent bonapartiste, et comme à cette époque les plus hasardeux regardaient comme un rêve insensé toute tentative de Napoléon pour remonter sur le trône, il n’avait trouvé partout que froideur, crainte ou refus, et il était rentré chez lui désespéré, mais avouant cependant que la position était grave et que personne n’y pouvait rien.
De son côté, Caderousse était fort inquiet et fort tourmenté : au lieu de sortir comme l’avait fait M. Morrel, au lieu d’essayer quelque chose en faveur de Dantès, pour lequel d’ailleurs il ne pouvait rien, il s’était enfermé avec deux bouteilles de vin de cassis, et avait essayé de noyer son inquiétude dans l’ivresse, mais, dans l’état d’esprit où il se trouvait, c’était trop peu de deux bouteilles pour éteindre son jugement ; il était donc demeuré, trop ivre pour aller chercher d’autre vin, pas assez ivre pour que l’ivresse eût éteint ses souvenirs, accoudé en face de ses deux bouteilles vides sur une