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changé de place. Une main de fer semblait l’avoir cloué à l’endroit même où la veille il s’était arrêté : seulement son œil profond se cachait sous une enflure causée par la vapeur humide de ses larmes. Il était immobile et regardait la terre.

Il avait ainsi passé toute la nuit debout et sans dormir un seul instant.

Le geôlier s’approcha de lui, tourna autour de lui, mais Dantès ne parut pas le voir.

Il lui frappa sur l’épaule, Dantès tressaillit et secoua la tête.

— N’avez-vous donc pas dormi ? demanda le geôlier.

— Je ne sais pas, répondit Dantès.

Le geôlier le regarda avec étonnement.

— N’avez-vous pas faim ? continua-t-il.

— Je ne sais pas, répondit encore Dantès.

— Voulez-vous quelque chose ?

— Je voudrais voir le gouverneur.

Le geôlier haussa les épaules et sortit.

Dantès le suivit des yeux, tendit les mains vers la porte entr’ouverte, mais la porte se referma.

Alors sa poitrine sembla se déchirer dans un long sanglot. Les larmes qui gonflaient sa poitrine jaillirent comme deux ruisseaux ; il se précipita le front contre terre, et pria longtemps, repassant dans son esprit toute sa vie passée, et se demandant à lui-même quel crime il avait commis dans cette vie, si jeune encore, qui méritât une si cruelle punition.

La journée se passa ainsi. À peine s’il mangea quelques bouchées de pain et but quelques gouttes d’eau. Tantôt il restait assis et absorbé dans ses pensées, tantôt il tournait tout autour de sa prison comme fait un animal sauvage enfermé dans une cage de fer.