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promesse, dit le gendarme, mais ce que je sais, c’est que nous allons au château d’If. Eh bien ! que faites-vous donc ? Holà ! camarades, à moi !

Par un mouvement prompt comme l’éclair, qui cependant avait été prévu par l’œil exercé du gendarme, Dantès avait voulu s’élancer à la mer ; mais quatre poignets vigoureux le retinrent au moment où ses pieds quittaient le plancher du bateau.

Il retomba au fond de la barque en hurlant de rage.

— Bon ! s’écria le gendarme en lui mettant un genou sur sa poitrine, bon ! voilà comme vous tenez votre parole de marin. Fiez-vous donc aux gens doucereux ! Eh bien maintenant, mon cher ami, faites un mouvement, un seul, et je vous loge une balle dans la tête. J’ai manqué à ma première consigne, mais, je vous en réponds, je ne manquerai pas à la seconde.

Et il abaissa effectivement sa carabine vers Dantès, qui sentit s’appuyer le bout du canon contre sa tempe.

Un instant il eut l’idée de faire ce mouvement défendu et d’en finir ainsi violemment avec le malheur inattendu qui s’était abattu sur lui et l’avait pris tout à coup dans ses serres de vautour. Mais, justement parce que ce malheur était inattendu, Dantès songea qu’il ne pouvait être durable ; puis les promesses de M. de Villefort lui revinrent à l’esprit ; puis, s’il faut le dire enfin cette mort au fond d’un bateau, venant de la main d’un gendarme, lui apparut laide et nue.

Il retomba donc sur le plancher de la barque en poussant un hurlement de rage et en se rongeant les mains avec fureur.

Presque au même instant un choc violent ébranla le canot. Un des bateliers sauta sur le roc que la proue de la petite barque venait de toucher, une corde grinça en