point où paraissait se diriger le bateau, et à cent toises devant lui il vit s’élever la roche noire et ardue sur laquelle monte comme une superfétation du silex le sombre château d’If.
Cette forme étrange, cette prison autour de laquelle règne une si profonde terreur, cette forteresse qui fait vivre depuis trois cents ans Marseille de ses lugubres traditions, apparaissant ainsi tout à coup à Dantès qui ne songeait point à elle, lui fit l’effet que fait au condamné à mort l’aspect de l’échafaud.
— Ah ! mon Dieu ! s’écria-t-il, le château d’If ! Et qu’allons-nous faire là ?
Le gendarme sourit.
— Mais on ne me mène pas là pour être emprisonné ? continua Dantès. Le château d’If est une prison d’État, destinée seulement aux grands coupables politiques. Je n’ai commis aucun crime. Est-ce qu’il y a des juges d’instruction, des magistrats quelconques au château d’If ?
— Il n’y a, je suppose, dit le gendarme, qu’un gouverneur, des geôliers, une garnison et de bons murs. Allons, allons, l’ami, ne faites pas tant l’étonné ; car, en vérité, vous me feriez croire que vous reconnaissez ma complaisance en vous moquant de moi.
Dantès serra la main du gendarme à la lui briser.
— Vous prétendez donc, dit-il, que l’on me conduit au château d’If pour m’y emprisonner ?
— C’est probable, dit le gendarme ; mais en tout cas, camarade, il est inutile de me serrer si fort.
— Sans autre information, sans autre formalité ? demanda le jeune homme.
— Les formalités sont remplies, l’information est faite.
— Ainsi, malgré la promesse de M. de Villefort ?…
— Je ne sais si M. de Villefort vous a fait une