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de par votre qualité de soldat, je vous adjure d’avoir pitié de moi et de me répondre. Je suis le capitaine Dantès, bon et loyal Français, quoique accusé de je ne sais quelle trahison : où me menez-vous ? dites-le, et, foi de marin, je me rangerai à mon devoir et me résignerai à mon sort.

Le gendarme se gratta l’oreille, regarda son camarade. Celui-ci fit un mouvement qui voulait dire à peu près : Il me semble qu’au point où nous en sommes il n’y a pas d’inconvénient, et le gendarme se retourna vers Dantès :

— Vous êtes Marseillais et marin, dit-il, et vous me demandez où nous allons ?

— Oui, car, sur mon honneur, je l’ignore.

— Ne vous en doutez-vous pas ?

— Aucunement.

— Ce n’est pas possible.

— Je vous le jure sur ce que j’ai de plus sacré au monde. Répondez-moi donc, de grâce !

— Mais la consigne ?

— La consigne ne vous défend pas de m’apprendre ce que je saurai dans dix minutes, dans une demi-heure, dans une heure peut-être. Seulement vous m’épargnez d’ici là des siècles d’incertitude. Je vous le demande comme si vous étiez mon ami, regardez : je ne veux ni me révolter ni fuir ; d’ailleurs je ne le puis : où allons-nous ?

— À moins que vous n’ayez un bandeau sur les yeux ou que vous ne soyez jamais sorti du port de Marseille, vous devez cependant deviner où vous allez ?

— Non.

— Regardez autour de vous, alors.

Dantès se leva, jeta naturellement les yeux sur le