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LE CHEVALIER DE MAISON-ROUGE.


En ce moment la porte s’ouvrit, et le citoyen Morand entra. — Page 31.

— Sur mon honneur, se disait-il en lui-même, je crois que je me trompe moi-même. Est-ce bien là le même homme qui, l’œil ardent, la voix menaçante, me poursuivait une carabine à la main, et voulait absolument me tuer, il y a trois quarts d’heure ? En ce moment-là, je l’eusse pris pour un héros ou pour un assassin. Mordieu ! comme l’amour des pelleteries vous transforme un homme !

Il y avait au fond du cœur de Maurice, tandis qu’il faisait toutes ces observations, une douleur et une joie si profondes toutes deux, que le jeune homme n’eût pu se dire au juste quelle était la situation de son âme. Il se retrouvait enfin près de cette belle inconnue qu’il avait tant cherchée. Comme il l’avait rêvé d’avance, elle portait un doux nom. Il s’enivrait du bonheur de la sentir à son côté ; il absorbait ses moindres paroles, et le son de sa voix, toutes les fois qu’elle résonnait, faisait vibrer jusqu’aux cordes les plus secrètes de son cœur ; mais ce cœur était brisé par ce qu’il voyait.

Geneviève était bien telle qu’il l’avait entrevue : ce rêve d’une nuit orageuse, la réalité ne l’avait pas détruit. C’était bien la jeune femme élégante, à l’œil triste, à l’esprit élevé ; c’était bien, ce qui était arrivé si souvent dans les dernières années qui avaient précédé cette fameuse année 93, dans laquelle on se