Page:Dumas - La Reine Margot (1886).djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
LA REINE MARGOT.

— Oui, mon fils, et particulièrement de M. de La Mole ; il était hier à Orléans, et sera demain ou après-demain à Paris.

— Peste ! monsieur l’amiral est donc nécromant, pour savoir ainsi ce qui se fait à trente ou quarante lieues de distance ! Quant à moi, je voudrais bien savoir avec pareille certitude ce qui se passa ou ce qui s’est passé devant Orléans !

Coligny resta impassible à ce trait sanglant du duc de Guise, lequel faisait évidemment allusion à la mort de François de Guise, son père, tué devant Orléans par Poltro de Méré, non sans soupçon que l’amiral eût conseillé le crime.

— Monsieur, répliqua-t-il froidement et avec dignité, je suis nécromant toutes les fois que je veux savoir bien positivement ce qui importe à mes affaires ou à celles du roi. Mon courrier est arrivé d’Orléans il y a une heure, et, grâce à la poste, a fait trente-deux lieues dans la journée. M. de La Mole, qui voyage sur son cheval, n’en fait que dix par jour, lui, et arrivera seulement le 24. Voilà toute la magie.

— Bravo, mon père ! bien répondu, dit Charles IX. Montrez à ces jeunes gens que c’est la sagesse en même temps que l’âge qui ont fait blanchir votre barbe et vos cheveux : aussi allons-nous les envoyer parler de leur tournois et de leurs amours, et rester ensemble à parler de nos guerres. Ce sont les bons conseillers qui font les bons rois, mon père. Allez, Messieurs, j’ai à causer avec l’amiral.

Les deux jeunes gens sortirent, le roi de Navarre d’abord, le duc de Guise ensuite ; mais, hors la porte, chacun tourna de son côté après une froide révérence.

Coligny les avait suivis des yeux avec une certaine inquiétude, car il ne voyait jamais rapprocher ces deux haines sans craindre qu’il n’en jaillît quelque nouvel éclair. Charles IX comprit ce qui se passait dans son esprit, vint à lui, et appuyant son bras au sien :

— Soyez tranquille, mon père, je suis là pour maintenir chacun dans l’obéissance et le respect. Je suis véritablement roi depuis que ma mère n’est plus reine, et elle n’est plus reine depuis que Coligny est mon père.

— Oh ! sire, dit l’amiral, la reine Catherine…

— Est une brouillonne. Avec elle il n’y a pas de paix