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LA REINE MARGOT.

— Ici ? dit de Mouy.

— Oui, ici, dans cette chambre, répéta Henri.

— Il n’y venait rien faire, dit Marguerite ; c’est moi qui l’y ai attiré.

— Vous saviez donc ?…

— J’ai deviné tout.

— Vous voyez bien, de Mouy, qu’on peut deviner.

— Monsieur de Mouy, continua Marguerite, était ce matin avec le duc François dans la chambre de deux de ses gentilshommes.

— Vous voyez bien, de Mouy, répéta Henri, qu’on sait tout.

— C’est vrai, dit de Mouy.

— J’en étais sûr, dit Henri, que M. d’Alençon s’était emparé de vous.

— C’est votre faute, sire. Pourquoi avez-vous refusé si obstinément ce que je venais vous offrir ?

— Vous avez refusé ! s’écria Marguerite. Ce refus que je pressentais était donc réel ?

— Madame, dit Henri secouant la tête, et toi, mon brave de Mouy, en vérité vous me faites rire avec vos exclamations. Quoi ! un homme entre chez moi, me parle de trône, de révolte, de bouleversement, à moi, à moi Henri, prince toléré pourvu que je porte le front humble, huguenot épargné à la condition que je jouerai le catholique, et j’irais accepter quand ces propositions me sont faites dans une chambre non matelassée et sans double lambris ! Ventre-saint-gris ! vous êtes des enfants ou des fous !

— Mais, sire, Votre Majesté ne pouvait-elle me laisser quelque espérance, sinon par ses paroles, du moins par un geste, par un signe ?

— Que vous a dit mon beau-frère, de Mouy ? demanda Henri.

— Oh ! sire, ceci n’est point mon secret.

— Eh ! mon Dieu, reprit Henri avec une certaine impatience d’avoir affaire à un homme qui comprenait si mal ses paroles, je ne vous demande pas quelles sont les propositions qu’il vous a faites, je vous demande seulement s’il écoutait, s’il a entendu.

— Il écoutait, sire, et il a entendu.

— Il écoutait, et il a entendu ! Vous le dites vous-même, de Mouy. Pauvre conspirateur que vous êtes ! si j’avais dit