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LA REINE MARGOT.

— Et à cinq heures du matin, interrompit Marguerite, vous étiez déjà sorti ?

— Votre Majesté m’excusera, dit La Mole, je n’étais pas encore rentré.

— Ah ! monsieur de La Mole ! rentrer à cinq heures du matin ! dit Marguerite avec un sourire qui pour tous était malicieux et que La Mole eut la fatuité de trouver adorable, rentrer si tard ! vous aviez mérité cette punition.

— Aussi je ne me plains pas, Madame, dit La Mole en s’inclinant avec respect, et j’eusse été éventré que je m’estimerais encore plus heureux cent fois que je ne mérite de l’être. Mais enfin je rentrais tard ou de bonne heure, comme Votre Majesté voudra, de cette bienheureuse maison où j’avais passé la nuit en retraite, lorsque quatre tire-laine ont débouché de la rue de la Mortellerie et m’ont poursuivi avec des coupe-choux démesurément longs. C’est grotesque, n’est-ce pas, Madame ? mais enfin c’est comme cela ; il m’a fallu fuir, car j’avais oublié mon épée.

— Oh ! je comprends, dit Marguerite avec un air d’admirable naïveté, et vous retournez chercher votre épée ?

La Mole regarda Marguerite comme si un doute se glissait dans son esprit.

— Madame, j’y retournerais effectivement et même très-volontiers, attendu que mon épée est une excellente lame, mais je ne sais pas où est cette maison.

— Comment, Monsieur ! reprit Marguerite, vous ne savez pas où est la maison où vous avez passé la nuit ?

— Non, Madame, et que Satan m’extermine si je m’en doute !

— Oh ! voilà qui est singulier ! c’est donc tout un roman que votre histoire ?

— Un véritable roman, vous l’avez dit, Madame.

— Contez-la-moi.

— C’est un peu long.

— Qu’importe ! j’ai le temps.

— Et fort incroyable, surtout.

— Allez toujours : je suis on ne peut plus crédule.

— Votre Majesté l’ordonne ?

— Mais oui, s’il le faut.

— J’obéis. Hier soir, après avoir quitté deux adorables femmes avec lesquelles nous avions passé la soirée sur le