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LA REINE MARGOT.

La Mole crut reconnaître la litière et se rangea vivement.

Le jeune gentilhomme ne s’était pas trompé.

— Monsieur de La Mole ! dit une voix pleine de douceur qui sortait de la litière, tandis qu’une main blanche et douce comme le satin écartait les rideaux.

— Oui, Madame, moi-même, répondit La Mole en s’inclinant.

— Monsieur de La Mole une plume à la main… continua la dame à la litière : êtes-vous donc amoureux, mon cher Monsieur, et retrouvez-vous des traces perdues ?

— Oui, Madame, répondit La Mole, je suis amoureux, et très-fort ; mais, pour le moment, ce sont mes propres traces que je retrouve, quoique ce ne soient pas elles que je cherche. Mais Votre Majesté me permettra-t-elle de lui demander des nouvelles de sa santé ?

— Excellente, Monsieur ; je ne me suis jamais mieux portée, ce me semble ; cela vient probablement de ce que j’ai passé la nuit en retraite.

— Ah ! en retraite, dit La Mole en regardant Marguerite d’une façon étrange.

— Eh bien ! oui ; qu’y a-t-il d’étonnant à cela ?

— Peut-on, sans indiscrétion, vous demander dans quel couvent ?

— Certainement, Monsieur, je n’en fais pas mystère : au couvent des Annonciades. Mais vous, que faites-vous ici avec cet air tout effarouché ?

— Madame, moi aussi j’ai passé la nuit en retraite et dans les environs du même couvent ; ce matin, je cherche mon ami, qui a disparu, et en le cherchant j’ai retrouvé cette plume.

— Qui vient de lui ? Mais en vérité vous m’effrayez sur son compte, la place est mauvaise.

— Que Votre Majesté se rassure, la plume vient de moi ; je l’ai perdue vers cinq heures et demie sur cette place, en me sauvant des mains de quatre bandits qui me voulaient à toute force assassiner, à ce que je crois du moins.

Marguerite réprima un vif mouvement d’effroi.

— Oh ! contez-moi cela ! dit-elle.

— Rien de plus simple, Madame. Il était donc, comme j’avais l’honneur de dire à Votre Majesté, cinq heures du matin à peu près…