Page:Dumas - La Reine Margot (1886).djvu/251

Cette page a été validée par deux contributeurs.
243
LA REINE MARGOT.

Charlotte poussa un léger cri et approcha de nouveau l’opiat de ses lèvres. René vit le mouvement ; mais, cette fois, il ne l’arrêta ni de la parole ni du geste, seulement il s’écria :

— Au nom du ciel ! répondez, sire : sire, si vous étiez à leur place, que feriez-vous ?

Henri se recueillit, essuya de sa main tremblante son front où perlaient quelques gouttes de sueur froide, et, se levant de toute sa hauteur, il répondit, au milieu du silence qui suspendait jusqu’à la respiration de René et de Charlotte :

— Si j’étais à leur place et que je fusse sûr d’être roi, c’est-à-dire de représenter Dieu sur la terre, je ferais comme Dieu, je pardonnerais.

— Madame, s’écria René en arrachant l’opiat des mains de madame de Sauve, Madame, rendez-moi cette boîte, mon garçon, je le vois, s’est trompé en vous l’apportant : demain je vous en enverrai une autre.




XXIII

un nouveau converti.


Le lendemain, il devait y avoir chasse à courre dans la forêt de Saint-Germain.

Henri avait ordonné qu’on lui tînt prêt, pour huit heures du matin, c’est-à-dire tout sellé et tout bridé, un petit cheval du Béarn, qu’il comptait donner à madame de Sauve, mais qu’auparavant il désirait essayer. À huit heures moins un quart, le cheval était appareillé. À huit heures sonnant, Henri descendait.

Le cheval, fier et ardent, malgré sa petite taille, dressait les crins et piaffait dans la cour. Il avait fait froid, et un léger verglas couvrait la terre.

Henri s’apprêta à traverser la cour pour gagner le côté des écuries où l’attendaient le cheval et le palefrenier, lors-