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LA REINE MARGOT.

Un instant après, René parut et jeta un regard qui embrassa toute la chambre.

Madame de Sauve était toujours devant sa toilette.

Henri avait repris sa place sur le lit de repos.

Charlotte était dans la lumière et Henri dans l’ombre.

— Madame, dit René avec une respectueuse familiarité, je viens vous faire mes excuses.

— Et de quoi donc, René ? demanda madame de Sauve avec cette condescendance que les jolies femmes ont toujours pour ce monde de fournisseurs qui les entoure et qui tend à les rendre plus jolies.

— De ce que depuis si longtemps j’avais promis de travailler pour ces jolies lèvres, et de ce que…

— De ce que vous n’avez tenu votre promesse qu’aujourd’hui, n’est-ce pas ? dit Charlotte.

— Qu’aujourd’hui ! répéta René.

— Oui, c’est aujourd’hui seulement, et même ce soir, que j’ai reçu cette boîte que vous m’avez envoyée.

— Ah ! en effet, dit René en regardant avec une expression étrange la petite boîte d’opiat qui se trouvait sur la table de madame de Sauve, et qui était de tout point pareille à celles qu’il avait dans son magasin.

— J’avais deviné ! murmura-t-il ; et vous vous en êtes servie ?

— Non, pas encore, et j’allais l’essayer quand vous êtes entré.

La figure de René prit une expression rêveuse qui n’échappa point à Henri, auquel, d’ailleurs, bien peu de choses échappaient.

— Eh bien, René ! qu’avez-vous donc ? demanda le roi.

— Moi ! rien, sire, dit le parfumeur, j’attends humblement que Votre Majesté m’adresse la parole avant de prendre congé de madame la baronne.

— Allons donc ! dit Henri en souriant. Avez-vous besoin de mes paroles pour savoir que je vous vois avec plaisir ?

René regarda autour de lui, fit le tour de la chambre comme pour sonder de l’œil et de l’oreille les portes et les tapisseries, puis s’arrêtant de nouveau et se plaçant de manière à embrasser du même regard madame de Sauve et Henri :

— Je ne le sais pas, dit-il.