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LA REINE MARGOT.

— Parlez bas à votre tour, dit Henri. Maintenant que je suis le mari de sa fille, nous sommes les meilleurs amis du monde. Que voulait-on ? que je me fisse catholique, à ce qu’il paraît. Eh bien ! la grâce m’a touché ; et, par l’intercession de saint Barthélemy, je le suis devenu. Nous vivons maintenant en famille comme de bons frères, comme de bons chrétiens.

— Et la reine Marguerite ?

— La reine Marguerite, dit Henri, eh bien ! elle est le lien qui nous unit tous.

— Mais vous m’avez dit, Henri, que la reine de Navarre, en récompense de ce que j’avais été dévouée pour elle, avait été généreuse pour moi. Si vous m’avez dit vrai, si cette générosité, pour laquelle je lui ai voué une si grande reconnaissance, est réelle, elle n’est qu’un lien de convention facile à briser. Vous ne pouvez donc vous reposer sur cet appui, car vous n’en avez imposé à personne avec cette prétendue intimité.

— Je m’y repose cependant, et c’est depuis trois mois l’oreiller sur lequel je dors.

— Alors, Henri, s’écria madame de Sauve, c’est que vous m’avez trompée, c’est que véritablement madame Marguerite est votre femme.

Henri sourit.

— Tenez, Henri ! dit madame de Sauve, voilà de ces sourires qui m’exaspèrent, et qui font que, tout roi que vous êtes, il me prend parfois de cruelles envies de vous arracher les yeux.

— Alors, dit Henri, j’arrive donc à en imposer sur cette prétendue intimité, puisqu’il y a des moments où, tout roi que je suis, vous voulez m’arracher les yeux, parce que vous croyez qu’elle existe !

— Henri ! Henri ! dit madame de Sauve, je crois que Dieu lui-même ne sait pas ce que vous pensez.

— Je pense, ma mie, dit Henri, que Catherine vous a dit d’abord de m’aimer, que votre cœur vous l’a dit ensuite, et que, quand ces deux voix vous parlent, vous n’entendez que celle de votre cœur. Maintenant, moi aussi, je vous aime, et de toute mon âme, et même c’est pour cela que lorsque j’aurais des secrets, je ne vous les confierais pas, de peur de vous compromettre, bien entendu… car l’amitié de la reine est changeante, c’est celle d’une belle-mère.