Page:Dumas - La Reine Margot (1886).djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
LA REINE MARGOT.

— Oui ; serez-vous certaine qu’il ne sera pas près d’une autre ?

— Ah ! si vous faites cela, sire ! s’écria à son tour la dame de Sauve.

— Foi de gentilhomme, je le ferai.

Madame de Sauve leva ses grands yeux humides de voluptueuses promesses et sourit au roi, dont le cœur s’emplit d’une joie enivrante.

— Voyons, reprit Henri, en ce cas, que direz vous ?

— Oh ! en ce cas, répondit Charlotte, en ce cas je dirai que je suis véritablement aimée de Votre Majesté.

— Ventre-saint-gris ! vous le direz donc, car cela est, baronne.

— Mais comment faire ? murmura madame de Sauve.

— Oh ! par Dieu ! baronne, il n’est point que vous n’ayez autour de vous quelque camérière, quelque suivante, quelque fille dont vous soyez sûre ?

— Oh ! j’ai Dariole, qui m’est si dévouée qu’elle se ferait couper en morceaux pour moi : un véritable trésor.

— Sang-diou ! baronne, dites à cette fille que je ferai sa fortune quand je serai roi de France, comme me le prédisent les astrologues.

Charlotte sourit ; car dès cette époque la réputation gasconne du Béarnais était déjà établie à l’endroit de ses promesses.

— Eh bien ! dit-elle, que désirez-vous de Dariole ?

— Bien peu de chose pour elle, tout pour moi.

— Enfin ?

— Votre appartement est au-dessus du mien ?

— Oui.

— Qu’elle attende derrière la porte. Je frapperai doucement trois coups ; elle ouvrira, et vous aurez la preuve que je vous ai offerte.

Madame de Sauve garda le silence pendant quelques secondes ; puis, comme si elle eût regardé autour d’elle pour n’être pas entendue, elle fixa un instant la vue sur le groupe où se tenait la reine mère ; mais si court que fût cet instant, il suffit pour que Catherine et sa dame d’atours échangeassent chacune un regard.

— Oh ! si je voulais, dit madame de Sauve avec un accent de sirène qui eût fait fondre la cire dans les oreilles