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LA REINE MARGOT.

catholique. Que m’a-t-on dit, ma cousine ! que, de votre propre fenêtre, vous avez giboyé aux huguenots, et que vous en avez tué un d’un coup de pierre ?

La duchesse de Nevers rougit extrêmement.

— Sire, dit-elle à voix basse, en venant s’agenouiller devant le roi, c’est au contraire un catholique blessé que j’ai eu le bonheur de recueillir.

— Bien, bien, ma cousine ! il y a deux façons de me servir : l’une en exterminant mes ennemis, l’autre en secourant mes amis. On fait ce qu’on peut, et je suis sûr que, si vous eussiez pu davantage, vous l’eussiez fait.

Pendant ce temps, le peuple, qui voyait la bonne harmonie qui régnait entre la maison de Lorraine et Charles IX, criait à tue-tête : Vive le roi ! vive le duc de Guise ! vive la messe !

— Revenez-vous au Louvre avez nous, Henriette ? dit la reine mère à la belle duchesse.

Marguerite toucha du coude son amie, qui comprit aussitôt ce signe, et qui répondit :

— Non pas, Madame, à moins que Votre Majesté ne me l’ordonne, car j’ai affaire en ville avec Sa Majesté la reine de Navarre.

— Et qu’allez-vous faire ensemble ? demanda Catherine.

— Voir des livres grecs très-rares et très-curieux qu’on a trouvés chez un vieux pasteur protestant, et qu’on a transportés à la tour Saint-Jacques-la-Boucherie, répondit Marguerite.

— Vous feriez mieux d’aller voir jeter les derniers huguenots, du haut du pont des Meuniers dans la Seine, dit Charles IX. C’est la place des bons Français.

— Nous irons, s’il plaît à Votre Majesté, répondit la duchesse de Nevers.

Catherine jeta un regard de défiance sur les deux jeunes femmes. Marguerite, aux aguets, l’intercepta, et se tournant et retournant aussitôt d’un air fort préoccupé, elle regarda avec inquiétude autour d’elle.

Cette inquiétude, feinte ou réelle, n’échappa point à Catherine.

— Que cherchez-vous ?

— Je cherche… Je ne vois plus, dit-elle.

— Qui cherchez-vous ? qui ne voyez-vous plus ?