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LA REINE MARGOT.

le discours qu’on lui faisait pour s’approcher de la reine de Navarre et lui demander la permission de baiser sa main. Marguerite étendit le bras vers elle, madame de Sauve approcha ses lèvres de la main de la reine, et, en la baisant, lui glissa un petit papier roulé dans la manche.

Si rapide et si dissimulée qu’eût été la retraite de madame de Sauve, Catherine s’en était aperçue, elle se retourna au moment où sa dame d’honneur baisait la main de la reine.

Les deux femmes virent ce regard qui pénétrait jusqu’à elles comme un éclair, mais toutes deux restèrent impassibles. Seulement madame de Sauve s’éloigna de Marguerite, et alla reprendre sa place près de Catherine.

Lorsqu’elle eut répondu au discours qui venait de lui être adressé, Catherine fit du doigt, et en souriant, signe à la reine de Navarre de s’approcher d’elle.

Marguerite obéit.

— Eh ! ma fille ! dit la reine mère dans son patois italien, vous avez donc de grandes amitiés avec madame de Sauve ?

Marguerite sourit, en donnant à son beau visage l’expression la plus amère qu’elle put trouver.

— Oui, ma mère, répondit-elle, le serpent est venu me mordre la main.

— Ah ! ah ! dit Catherine en souriant, vous êtes jalouse, je crois !

— Vous vous trompez, Madame, répondit Marguerite. Je ne suis pas plus jalouse du roi de Navarre que le roi de Navarre n’est amoureux de moi. Seulement je sais distinguer mes amis de mes ennemis. J’aime qui m’aime, et déteste qui me hait. Sans cela, Madame, serais-je votre fille ?

Catherine sourit de manière à faire comprendre à Marguerite que, si elle avait eu quelque soupçon, ce soupçon était évanoui.

D’ailleurs, en ce moment, de nouveaux pèlerins attirèrent l’attention de l’auguste assemblée. Le duc de Guise arrivait escorté d’une troupe de gentilshommes tout échauffés encore d’un carnage récent. Ils escortaient une litière richement tapissée, qui s’arrêta en face du roi.

— La duchesse de Nevers ! s’écria Charles IX. Çà, voyons ! qu’elle vienne recevoir nos compliments, cette belle et rude