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LA REINE MARGOT.

— Ne craignez rien, Monsieur, dit Marguerite, car, sur mon âme, vous êtes en sûreté.

La Mole se laissa retomber sur ses genoux.

— Oh ! Madame, s’écria-t-il, vous êtes pour moi plus qu’une reine, vous êtes une divinité.

— Ne vous agitez pas ainsi, Monsieur, s’écria Marguerite, votre sang coule encore… Oh ! regarde, Gillonne, comme il est pâle… Voyons, où êtes-vous blessé ?

— Madame, dit La Mole en essayant de fixer sur des points principaux la douleur errante par tout son corps, je crois avoir reçu un premier coup de dague à l’épaule et un second dans la poitrine ; les autres blessures ne valent point la peine qu’on s’en occupe.

— Nous allons voir cela, dit Marguerite ; Gillonne, apporte ma cassette de baumes.

Gillonne obéit et rentra, tenant d’une main la cassette, et de l’autre une aiguière de vermeil et du linge de fine toile de Hollande.

— Aide-moi à le soulever, Gillonne, dit la reine Marguerite, car, en se soulevant lui-même, le malheureux a achevé de perdre ses forces.

— Mais, Madame, dit La Mole, je suis tout confus ; je ne puis souffrir en vérité…

— Mais, Monsieur, vous allez vous laisser faire, que je pense, dit Marguerite ; quand nous pouvons vous sauver, ce serait un crime de vous laisser mourir.

— Oh ! s’écria La Mole, j’aime mieux mourir que de vous voir, vous, la reine, souiller vos mains d’un sang indigne comme le mien… Oh ! jamais ! jamais !

Et il se recula respectueusement.

— Votre sang, mon gentilhomme, reprit en souriant Gillonne, eh ! vous en avez déjà souillé tout à votre aise le lit et la chambre de Sa Majesté.

Marguerite croisa son manteau sur son peignoir de batiste, tout éclaboussés de petites taches vermeilles. Ce geste, plein de pudeur féminine, rappela à La Mole qu’il avait tenu dans ses bras et serré contre sa poitrine cette reine si belle, si aimée, et à ce souvenir une rougeur fugitive passa sur ses joues blêmies.

— Madame, balbutia-t-il, ne pouvez-vous m’abandonner aux soins d’un chirurgien ?