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LA REINE MARGOT.

— Bon ! dit Coconnas ; l’une me jette des fleurs, l’autre les pots. Si cela continue, on va démolir les maisons.

— Merci, ma mère, merci ! cria le jeune homme.

— Va, femme, va ! dit le vieux Mercandon, mais prends garde à nous !

— Attendez, monsieur de Coconnas, attendez, dit la jeune dame de l’hôtel de Guise ; je vais faire tirer aux fenêtres.

— Ah çà ! c’est donc un enfer de femmes, dont les unes sont pour moi et les autres contre moi ! dit Coconnas. Mordi ! finissons-en.

La scène, en effet, était bien changée, et tirait évidemment à son dénoûment. En face de Coconnas, blessé il est vrai, mais dans toute la vigueur de ses vingt-quatre ans, mais habitué aux armes, mais irrité plutôt qu’affaibli par les trois ou quatre égratignures qu’il avait reçues, il ne restait plus que Mercandon et son fils : Mercandon, vieillard de soixante à soixante-dix ans ; son fils, enfant de seize à dix-huit ans : ce dernier, pâle, blond et frêle, avait jeté son pistolet déchargé et par conséquent devenu inutile, et agitait en tremblant une épée de moitié moins longue que celle du Piémontais ; le père, armé seulement d’un poignard et d’une arquebuse vide, appelait au secours. Une vieille femme, à la fenêtre en face, la mère du jeune homme, tenait à la main un morceau de marbre et s’apprêtait à le lancer. Enfin Coconnas, excité d’un côté par les menaces, de l’autre par les encouragements, fier de sa double victoire, enivré de poudre et de sang, éclairé par la réverbération d’une maison en flammes, exalté par l’idée qu’il combattait sous les yeux d’une femme dont la beauté lui avait semblé aussi supérieure que son rang lui paraissait incontestable ; Coconnas, comme le dernier des Horaces, avait senti doubler ses forces, et voyant le jeune homme hésiter, il courut à lui et croisa sur sa petite épée sa terrible et sanglante rapière. Deux coups suffirent pour la lui faire sauter des mains. Alors Mercandon chercha à repousser Coconnas, pour que les projectiles lancés par la fenêtre l’atteignissent plus sûrement. Mais Coconnas, au contraire, pour paralyser la double attaque du vieux Mercandon, qui essayait de le percer de son poignard, et de la mère du jeune homme, qui tentait de lui briser la tête avec la pierre qu’elle s’apprêtait à lui lancer, saisit son adversaire à bras le corps, le présen-