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— Il viendra, vous dis-je.

Et aussitôt, quittant le bras de Bussy, elle se rapprocha du prince, lequel répondait de fort mauvaise humeur à Monsoreau, dont Ribérac, Antraguet et Livarot entouraient la litière.

À l’aspect de Diane, le front du comte se rasséréna ; mais cet instant de calme ne fut pas de longue durée, il passa comme passe un rayon de soleil entre deux orages.

Diane s’approcha du duc, et le comte fronça le sourcil.

— Monseigneur, dit-elle avec un charmant sourire, on dit Votre Altesse passionnée pour les fleurs. Venez, je veux montrer à Votre Altesse les plus belles fleurs de tout l’Anjou.

François lui offrit galamment la main.

— Où conduisez-vous donc Monseigneur, Madame ? demanda Monsoreau inquiet.

— Dans la serre, Monsieur.

— Ah ! fit Monsoreau. Eh bien ! soit, portez-moi dans la serre.

— Ma foi, se dit Remy, je crois maintenant que j’ai bien fait de ne pas le tuer ; Dieu merci ! il se tuera bien tout seul.

Diane sourit à Bussy d’une façon qui promettait merveilles.

— Que M. de Monsoreau, lui dit-elle tout bas, ne se doute pas que vous quittez l’Anjou, et je me charge du reste.

— Bien ! fit Bussy.

Et il s’approcha du prince, tandis que la litière du Monsoreau tournait derrière un massif.

— Monseigneur, dit-il, pas d’indiscrétion surtout ; que le Monsoreau ne sache pas que nous sommes sur le point de nous accommoder.

— Pourquoi cela ?

— Parce qu’il pourrait prévenir la reine-mère de nos intentions pour s’en faire une amie, et que, sachant la résolution prise, madame Catherine pourrait bien être moins disposée à nous faire des largesses.

— Tu as raison, dit le duc. Tu t’en défies donc ?

— Du Monsoreau ? parbleu !

— Eh bien ! moi aussi ; je crois, en vérité, qu’il a fait exprès le mort.

— Non par ma foi, il a bel et bien reçu un coup d’épée à travers la poitrine ; cet imbécile de Remy, qui l’a tiré d’affaire, l’a cru lui-même mort un instant ; il faut, en vérité, qu’il ait l’âme chevillée dans le corps.

On arriva devant la serre. Diane souriait au duc d’une façon plus charmante que jamais.

Le prince passa le premier, puis Diane. Monsoreau voulut venir après ; mais, quand sa litière se présenta pour passer, on s’aperçut qu’il était impossible de la faire entrer : la porte, de style ogival, était longue et haute, mais large seulement comme les plus grosses caisses, et la litière de M. de Monsoreau avait six pieds de largeur.

À la vue de cette porte trop étroite et de cette litière trop large, le Monsoreau poussa un rugissement.

Diane entra dans la serre sans faire attention aux gestes désespérés de son mari.

Bussy, pour qui le sourire de la jeune femme dans le cœur de laquelle il avait l’habitude de lire par les yeux, devenait parfaitement clair, demeura près de Monsoreau en lui disant avec une parfaite tranquillité :

— Vous vous entêtez inutilement, Monsieur le comte ; cette porte est trop étroite, et jamais vous ne passerez par là.

— Monseigneur ! monseigneur ! criait Monsoreau, n’allez pas dans cette serre ; il y a de mortelles exhalaisons, des fleurs étrangères qui répandent les parfums les plus vénéneux. Monseigneur !

Mais François n’écoutait pas. Malgré sa prudence accoutumée, heureux de sentir dans ses mains la main de Diane, il s’enfonçait dans les verdoyants détours.

Bussy encourageait Monsoreau à patienter avec la douleur ; mais, malgré les exhortations de Bussy, ce qui devait arriver arriva : Monsoreau ne put supporter, non pas la douleur physique, sous ce rapport il semblait de fer, mais la douleur morale. Il s’évanouit.

Remy reprenait tous ses droits ; il ordonna que le blessé fût reconduit dans sa chambre.

— Maintenant, demanda Remy au jeune homme, que dois-je faire ?

— Eh ! pardieu ! dit Bussy, achève ce que tu as si bien commencé : reste près de lui, et guéris-le.

Puis il annonça à Diane l’accident arrivé à son mari.

Diane quitta aussitôt le duc d’Anjou et s’achemina vers le château.

— Avons-nous réussi ? lui demanda Bussy lorsqu’elle passa à ses côtés.

— Je le crois, dit-elle ; en tout cas, ne partez point sans avoir vu Gertrude.

Le duc n’aimait les fleurs que parce qu’il les visitait avec Diane. Aussitôt que Diane fût éloignée, les recommandations du comte lui revinrent à l’esprit, et il sortit du bâtiment.

Ribérac, Livarot et Antraguet le suivirent.

Pendant ce temps, Diane avait rejoint son mari, à qui Remy faisait respirer des sels.

Le comte ne tarda pas à rouvrir les yeux.

Son premier mouvement fut de se soulever avec violence ; mais Remy avait prévu ce premier mouvement, et le comte était attaché sur son matelas.

Il poussa un second rugissement, mais en regardant autour de lui il aperçut Diane debout à son chevet.

— Ah ! c’est vous, madame, dit-il ; je suis bien aise de vous voir pour vous dire que ce soir nous partons pour Paris.

Remy jeta les hauts cris ; mais Monsoreau ne fit pas plus attention à Remy que s’il n’était pas là.

— Y pensez-vous, monsieur ? dit Diane avec son calme habituel, et votre blessure !

— Madame, dit le comte, il n’y a pas de blessure qui tienne, j’aime mieux mourir que souffrir, et dussé-je mourir par les chemins, ce soir nous partirons.

— Eh bien ! monsieur, dit Diane, comme il vous plaira.

— Il me plaît ainsi ; faites donc vos préparatifs, je vous prie.

— Mes préparatifs seront vite faits, monsieur. Mais puis-je savoir quelle cause a amené cette subite détermination ?

— Je vous le dirai, madame, quand vous n’aurez plus de fleurs à montrer au prince, ou quand j’aurai fait construire des portes assez larges pour que ma litière entre partout.

Diane s’inclina.

— Mais, madame, dit Remy.

— M. le comte le veut, répondit Diane, mon devoir est d’obéir.

Et Remy crut reconnaître à un signe de la jeune femme qu’il devait cesser ses observations.

Il se tut tout en grommelant :

— Ils me le tueront, et puis on dira que c’est la faute de la médecine.

Pendant ce temps le duc d’Anjou s’apprêtait à quitter Méridor. Il témoigna la plus grande reconnaissance au baron de l’accueil qu’il lui avait fait et remonta à cheval.

Gertrude apparut en ce moment. Elle venait annoncer tout haut au duc que sa maîtresse, retenue près du comte, ne pouvait avoir l’honneur de lui présenter ses hommages, et tout bas à Bussy, que Diane partait le soir.

On partit.

Le duc avait les volontés dégénérescentes, ou plutôt les perfectionnements de ses caprices.

Diane cruelle le blessait et le repoussait de l’Anjou ; Diane souriante lui fut une amorce.

Comme il ignorait la résolution prise par le grand veneur, tout le long du chemin il ne cessa de méditer sur le danger qu’il y aurait à obéir trop facilement aux désirs de la reine-mère.

Bussy avait prévu cela, et il comptait bien sur ce désir de rester.

— Vois-tu, Bussy, lui dit le duc, j’ai réfléchi.

— Bon ! monseigneur. Et à quoi ? demanda le jeune homme.