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— Ah ! fort bien, dit Balsamo ; vous étiez au siège de Philipsbourg… Et moi aussi.

Le vieillard se redressa sur son fauteuil et regarda Balsamo en face, en ouvrant de grands yeux.

— Pardon, dit-il ; mais quel âge avez-vous donc, mon cher hôte ?

— Oh ! je n’ai pas d’âge moi, dit Balsamo en tendant son verre, afin que le marasquin lui fût servi par la belle main d’Andrée.

Le comte interpréta la réponse de son hôte à sa façon, et crut que Balsamo avait quelque raison de ne pas avouer son âge.

— Monsieur, dit-il, permettez-moi de vous dire que vous ne paraissez pas l’âge d’un soldat de Philipsbourg. Il y a vingt-huit ans de ce siège, et vous en avez tout au plus trente, si je ne me trompe.

— Eh ! mon Dieu, qui n’a pas trente ans ? dit le voyageur avec négligence.

— Moi, pardieu ! s’écria le baron, puisqu’il y a juste trente ans que je ne les ai plus.

Andrée regardait l’étranger avec une fixité qui indiquait l’irrésistible attrait de la curiosité. En effet, à chaque instant cet homme étrange se révélait à elle sous un nouveau jour.

— Enfin, monsieur, vous me confondez, dit le baron, à moins toutefois que vous ne vous trompiez, ce qui est probable, et que vous ne preniez Philipsbourg pour une autre ville. Je vous vois trente ans au plus, n’est-ce pas, Andrée ?

— En effet, répondit celle-ci, qui essaya encore de soutenir le regard puissant de son hôte, et qui cette fois encore ne put y réussir.

— Non pas, non pas, dit ce dernier ; je sais ce que je dis, et je dis ce qui est. Je parle du fameux siège de Philipsbourg, où M. le duc de Richelieu a tué en duel son cousin, le prince de Lixen. C’était en revenant de la tranchée que la chose eut lieu, sur la grande route, ma foi ; au revers de cette route, du côté gauche, il lui logea son épée au beau travers du corps. Je passais là comme le prince de Deux-Ponts