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— La Brie ! cria le baron, La Brie ! conduisez la voiture de monsieur le baron sous le hangar ; elle y sera un peu plus à couvert qu’au milieu de la cour, attendu qu’il y a encore beaucoup d’endroits où il reste des lattes ; quant aux chevaux, c’est autre chose, je ne vous réponds pas qu’ils trouvent à souper ; mais, comme ils ne sont point à vous et qu’ils sont au maître de poste, cela vous doit être à peu près égal.

— Cependant, monsieur, dit le voyageur impatient, si je vous gêne par trop, comme je commence à le croire…

— Oh ! ce n’est pas cela, monsieur, interrompit poliment le baron, vous ne me gênez point ; seulement vous serez gêné, vous, je vous en préviens.

— Monsieur, croyez que je vous serai toujours reconnaissant…

— Oh ! je ne me fais pas d’illusion, monsieur, dit le baron en levant de nouveau son bougeoir pour étendre le cercle de lumière du côté où Joseph Balsamo, aidé de La Brie, conduisait sa voiture et en haussant la voix à mesure que son hôte s’éloignait ; oh ! je ne me fais pas d’illusion, Taverney est un triste séjour, et un pauvre séjour surtout.

Le voyageur était trop occupé pour répondre ; il choisissait, comme l’y avait invité le baron de Taverney, l’endroit le moins délabré du hangar pour y abriter sa voiture, et, quand elle fut à peu près à couvert, il glissa un louis dans la main de La Brie, et revint près du baron.

La Bric mit le louis dans sa poche, convaincu que c’était une pièce de vingt-quatre sous, et remerciant le ciel de l’aubaine.

— À Dieu ne plaise que je pense de votre château le mal que vous en dites, monsieur, répondit Balsamo en s’inclinant devant le baron, qui, comme seule preuve qu’il lui avait dit la vérité, le conduisit, en secouant la fête, à travers une large et humide antichambre en grommelant : — Bon, bon, je sais ce que je dis ; je connais malheureusement mes ressources ; elles sont fort bornées. Si vous êtes Français, monsieur le baron, mais votre accent allemand m’indique que vous ne l’êtes pas, quoique votre nom italien… Mais cela ne fait rien à la chose ; si vous êtes Français, disais-