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— Nous allons la rallumer.

— Ah ! oui, dit Gilbert, vous avez du feu dans l’intérieur de la voiture.

— Et dans ma poche, répondit le voyageur.

— Ce sera difficile d’allumer de l’amadou par cette pluie-là.

Le voyageur sourit.

— Ouvrez la lanterne, dit-il.

Gilbert obéit.

— Mettez votre chapeau au-dessus de mes deux mains.

Gilbert obéit encore ; on le voyait suivre ces préparatifs avec la plus grande curiosité. Gilbert ne connaissait d’autres moyens de se procurer du feu que de battre le briquet.

Le voyageur tira de sa poche un étui d’argent, et de cet étui une allumette ; puis, ouvrant le bas de l’étui, il plongea cette allumette dans une pâte inflammable sans doute, car aussitôt l’allumette prit feu après un léger pétillement.

L’action fut si instantanée et si inattendue que Gilbert tressaillit.

Le voyageur sourit à cette surprise bien naturelle à une époque où quelques chimistes seulement connaissaient le phosphore, et gardaient ce secret pour leurs expériences personnelles.

Le voyageur communiqua la flamme magique à la mèche de sa bougie, puis il referma l’étui qu’il remit dans sa poche.

Le jeune homme suivait le précieux récipient avec des yeux ardents de convoitise. Il est évident qu’il eût donné bien des choses pour être possesseur d’un pareil trésor.

— Maintenant que nous avons de la lumière, voulez-vous me conduire ? demanda le voyageur.

— Venez, monsieur, dit Gilbert.

Et le jeune homme marcha devant, tandis que son compagnon, prenant le cheval au mors, le forçait d’avancer.

Au reste, le temps était devenu plus tolérable, la pluie avait à peu près cessé, et l’orage s’éloignait en grondant.

Le voyageur éprouva le premier le besoin de reprendre la conversation.

— Vous paraissez bien connaître ce baron de Taverney, mon ami ? dit-il.