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tournant et retournant son diamant, qui tantôt jetait de vifs reflets de lumière, tantôt restait sombre ; voyons, pardonnez-moi, et prenez quelque nourriture pour vous soutenir.

— C’est inutile, j’ai bu ma cuillerée d’élixir il y a deux heures.

— Vous vous trompez, maître, c’est ce matin à six heures que vous l’avez bue.

— Eh bien ! quelle heure est-il donc ?

— Il est tantôt deux heures et demie du soir.

— Jésus ! s’écria le savant en joignant les mains, encore une journée passée, enfuie, perdue ! Mais les jours diminuent donc ? mais ils n’ont donc plus vingt-quatre heures ?

— Si vous ne voulez pas manger, dormez au moins quelques instants, maître.

— Eh bien ! oui, je dormirai deux heures ; mais dans deux heures regardez à votre montre ; dans deux heures vous viendrez me réveiller.

— Je vous le promets.

— Voyez-vous, quand je m’endors, Acharat, dit le vieillard d’un ton caressant, j’ai toujours peur que ce ne soit dans l’éternité. Vous viendrez me réveiller, n’est-ce pas ? Ne me le promettez pas, jurez-le-moi.

— Je vous le jure, maître.

— Dans deux heures ?

— Dans deux heures.

On en était là quand on entendit sur la route quelque chose comme le galop d’un cheval. Ce bruit fut suivi d’un cri qui exprimait à la fois l’inquiétude et l’étonnement.

— Que veut dire encore ceci ? s’écria le voyageur en ouvrant vivement la porte, et en sautant sur la grand-route sans employer l’aide du marchepied.