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Quoique le voyageur se doutât de ce qui venait d’arriver, car le silence le plus profond avait succédé tout à coup aux cris qui s’échappaient du cabriolet, ce ne fut point à la femme éplorée qu’il porta ses premiers soins.

À peine eut-il touché le sol, au contraire, qu’il courut à l’arrière-train de la voiture.

C’est là que le beau cheval arabe dont nous avons parlé se tenait épouvanté, raidi, hérissé dressant chacun de ses crins, comme s’il eût été vivant, et secouant la porte, à la poignée de laquelle il était attaché, en tendant violemment sa longe. Enfin, l’œil fixe, la bouche écumante, le fier animal, après d’inutiles efforts pour briser ses liens était resté fasciné par l’horreur de la tempête, et lorsque son maître, tout en le sifflant selon son habitude, lui passa pour le caresser sa main sur la croupe, il fit un bond et poussa un hennissement comme s’il ne l’avait pas reconnu.

— Allons, encore ce cheval endiablé, murmura une voix cassée dans l’intérieur de la voiture ; maudit soit l’animal qui ébranle mon mur !

Puis cette voix, doublant de volume, cria en arabe avec l’accent de l’impatience et de la menace :

Nhe goullac hogoud shaked haffrit ! [1]

— Ne vous fâchez point contre Djérid, maître, dit le voyageur en détachant le cheval, qu’il alla attacher à la roue de derrière de la voiture ; il a eu peur, voilà tout, et, en vérité, on aurait peur à moins.

Et, en disant ces mots, le voyageur ouvrit la portière, abaissa le marchepied et entra dans la voiture dont il referma la porte derrière lui.

  1. Je te dis de rester tranquille, démon ! (N. d. A.)