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lesquelles danseront vos femmes et vos enfants. Eh bien ! tout cela ne peut se faire qu’après la mort, non pas du monarque, mais de la monarchie, qu’après le mépris des pouvoirs religieux, qu’après l’oubli complet de toute infériorité sociale, qu’après l’extinction enfin des castes aristocratiques et la division des biens seigneuriaux. Je demande vingt ans pour détruire un vieux monde et reconstruire un monde nouveau, vingt ans, c’est-à-dire vingt secondes de l’éternité, et vous dites que c’est trop ! »

Un long murmure d’admiration et d’assentiment succéda au discours du sombre prophète. Il était évident qu’il avait conquis toutes les sympathies de ces mystérieux mandataires de la pensée européenne.

Le grand Cophte jouit un instant de son triomphe ; puis, lorsqu’il le sentit complet, il reprit :

— Maintenant, frères, voyons, maintenant que je vais attaquer le lion dans son antre ; maintenant que je vais vouer ma vie contre la liberté du monde, que ferez-vous pour le succès de la cause à laquelle nous avons voué notre vie, notre fortune et notre liberté ? Que ferez-vous ? dites. Voilà ce que je suis venu vous demander.

Un silence, effrayant à force de solennité, succéda à ces paroles. On ne voyait dans la sombre salle que d’immobiles fantômes absorbés dans la pensée austère qui devait ébranler vingt trônes.

Les six chefs se détachèrent des groupes et revinrent, après quelques minutes de délibération, vers le chef suprême.

Le président parla le premier.

— Moi, dit-il, je représente la Suède. Au nom de la Suède, j’offre, pour défaire le trône de Wasa, les mineurs qui ont élevé le trône de Wasa, plus cent mille écus d’argent.

Le grand Cophte tira ses tablettes et y inscrivit l’offre qui venait de lui être faite.

Celui qui était à la gauche du président parla à son tour.

— Moi, dit-il, envoyé des cercles irlandais et écossais, je ne puis rien promettre au nom de l’Angleterre, que nous trouverons ardente à nous combattre ; mais au nom de la pauvre Irlande, mais au nom de la pauvre Écosse, je promets une