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dauphine, de prendre pour lui des chevaux destinés à son service, et déjà il les emmenait de force, après avoir maltraité le maître de poste, quand M. le chevalier Philippe de Taverney est arrivé, expédié par Son Altesse royale, et après plusieurs sommations civiles et conciliantes…

— Oh ! oh ! grommela le roi.

— Et après plusieurs sommations civiles et conciliantes, je le répète, sire…

— Oui, et moi j’en suis garant, dit le dauphin.

— Vous savez cela aussi, vous ? dit le roi saisi d’étonnement.

— Parfaitement, sire.

Monsieur de Choiseul, radieux, s’inclina.

— Son Altesse veut-elle continuer ? dit-il. Sa Majesté aura sans doute plus de foi dans la parole de son auguste fils que dans la mienne.

— Oui, sire, continua le dauphin, sans manifester cependant pour la chaleur que M. de Choiseul avait mise à défendre l’archiduchesse toute la reconnaissance que le ministre avait le droit d’en attendre ; ― oui, sire, je savais cela, et j’étais venu pour instruire Votre Majesté que non-seulement M. Dubarry a insulté madame la dauphine en gênant son service, mais encore en s’opposant violemment à un officier de mon régiment qui faisait son devoir en le reprenant de ce manque de convenance.

Le roi secoua la tête.

— Il faut savoir, il faut savoir, dit-il.

— Je sais, sire, ajouta doucement le dauphin, et pour moi il n’y a plus aucun doute : M. Dubarry a mis l’épée à la main.

— Le premier ? demanda Louis XV, heureux qu’on lui eût ouvert cette chance d’égaliser la lutte.

Le dauphin rougit et regarda M. de Choiseul, qui, le voyant embarrassé, se hâta de venir à son secours.

— Enfin, sire, dit-il, l’épée a été croisée par deux hommes dont l’un insultait et dont l’autre défendait la dauphine.

— Oui, mais lequel a été l’agresseur ? demanda le roi. Je connais Jean ; il est doux comme un agneau.