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sans une sorte d’altération du type primitif, sans que la beauté native de ce type dont il était la dernière bonne épreuve se changeât en une figure aux traits surchargés, sans que le dessin enfin devînt une caricature.

En effet, Louis-Auguste, duc de Berry, dauphin de France, qui fut depuis le roi Louis XVI, avait le nez bourbonnien plus long et plus aquilin que ceux de sa race, son front légèrement déprimé était plus fuyant encore que celui de Louis XV, et le double menton de son aïeul tellement accentué chez lui, que, maigre encore, comme il était à cette époque, le menton occupait un tiers à peu près de sa figure.

En outre, sa démarche était lente et embarrassée ; bien pris dans sa taille, il semblait pourtant gêné dans le mouvement des jambes et des épaules. Ses bras seuls, et ses doigts surtout, avaient l’activité, la souplesse, la force, et, pour ainsi dire, cette physionomie, qui, chez les autres, est écrite sur le front, la bouche et les yeux.

Le dauphin arpentait donc en silence cette salle des Pendules, la même où, huit ans auparavant, Louis XV avait remis à madame de Pompadour l’arrêt du parlement qui exilait les jésuites du royaume, et tout en parcourant cette salle, il rêvait.

Cependant, il finit par se lasser d’attendre ou plutôt de songer à ce qui l’occupait, et regardant tour à tour les pendules qui décoraient la salle, il s’amusa, comme Charles-Quint, à remarquer les différences toujours invincibles que conservent entre elles les plus régulières horloges ; manifestation bizarre, mais nettement formulée, de l’inégalité des choses matérielles, réglées ou non réglées par la main des hommes.

Il s’arrêta bientôt en face de la grande horloge située alors au fond de la salle, à la même place où elle est encore aujourd’hui, laquelle marque, par une habile combinaison des mécanismes, les jours, les mois, les années, les phases de la lune, le cours des planètes ; enfin, tout ce qui intéresse cette autre machine plus surprenante encore que l’on appelle homme, dans le mouvement progressif de sa vie vers sa mort.

Le dauphin regardait en amateur cette pendule qui avait