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La comtesse se leva, observant du coin de l’œil l’effet que produisait son mouvement. Louis XV poussa son soupir de lassitude, soupir qui signifiait :

—- Je m’ennuie considérablement ici.

Chon devina le sens du soupir et comprit qu’il serait dangereux pour sa sœur de pousser plus loin la querelle.

Elle arrêta sa sœur par sa robe, et allant au roi :

— Sire, dit-elle, l’amour que ma sœur porte au pauvre vicomte l’a entraînée trop loin… c’est moi qui ai commis la faute, c’est à moi de la réparer… Je me mets au rang de la plus humble sujette de Sa Majesté ; je lui demande justice pour mon frère ; je n’accuse personne : la sagesse du roi saura bien distinguer.

— Eh ! mon Dieu ! c’est tout ce que je demande, moi, la justice ; oui, mais que ce soit la justice juste. Si un homme n’a pas commis un crime, qu’on ne lui reproche pas ce crime ; s’il l’a commis, qu’on le châtie.

Et Louis XV regardait la comtesse en disant ces paroles, essayant de rattraper, s’il était possible, les bribes de la joyeuse matinée qu’il s’était promise, et qui finissait d’une si lugubre façon.

La comtesse était si bonne qu’elle eut pitié de ce désœuvrement du roi qui le faisait triste et ennuyé partout excepté près d’elle.

Elle se retourna à moitié, car déjà elle avait commencé de marcher vers la porte.

— Est-ce que je demande autre chose, moi ? dit-elle avec une adorable résignation ; mais qu’on ne repousse pas mes soupçons, quand je les manifeste.

— Vos soupçons, ils me sont sacrés, comtesse, s’écria le roi ; et qu’ils se changent un peu en certitude, vous verrez. Mais j’y songe, un moyen bien simple.

— Lequel, sire ?

— Que l’on mande ici M. de Choiseul.

— Oh ! Votre Majesté sait bien qu’il n’y vient jamais. Il dédaigne d’entrer dans l’appartement de l’amie du roi. Sa sœur