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— Oh ! ne vous fâchez pas, comtesse, dit Louis XV. Non seulement vous ne serez pas abandonnée, mais encore vous serez défendue, et si bien…

— Si bien ?

— Si bien, qu’il en coûtera cher à l’agresseur de ce pauvre Jean.

— Oui, c’est cela, on brisera l’instrument et on serrera la main.

— N’est-ce pas juste de s’en prendre à celui qui a fait le coup, à ce M. Taverney ?

— Sans doute, c’est juste, mais ce n’est que juste ; ce que vous faites pour moi, vous le feriez pour le premier marchand de la rue Saint-Honoré qu’un soldat battrait au spectacle. Je vous en préviens, je ne veux pas être traitée comme tout le monde. Si vous ne faites pas plus pour ceux que vous aimez que pour les indifférents, j’aime mieux l’isolement et l’obscurité de ces derniers, ils n’ont pas d’ennemis qui les assassinent au moins.

— Ah ! comtesse, comtesse, dit tristement Louis XV, moi qui me suis par hasard levé si gai, si heureux, si content, comme vous me gâtez ma charmante matinée !

— Voilà qui est adorable, par exemple. Elle est donc jolie ma matinée à moi, à moi dont on massacre la famille ?

Le roi, malgré la crainte intérieure que lui inspirait l’orage grondant autour de lui, ne put s’empêcher de sourire au mot massacre.

La comtesse se leva furieuse.

— Ah ! voilà comme vous me plaignez ? dit-elle.

— Eh ! là, là, ne vous fâchez pas.

— Mais je veux me fâcher, moi.

— Vous avez tort ; vous êtes ravissante quand vous souriez, tandis que la colère vous enlaidit.

— Que m’importe à moi ? ai-je besoin d’être belle, puisque ma beauté ne m’empêche pas d’être sacrifiée à des intrigues ?

— Voyons, comtesse.

— Non, choisissez de moi ou de votre Choiseul.