— Je suis remonté dans mon fiacre.
— Et qui avez-vous trouvé dans votre fiacre ?
M. de Sartines rougit.
— Ah ! s’écria la comtesse en frappant ses deux petites mains l’une contre l’autre, j’ai donc eu l’honneur de faire rougir un lieutenant de police.
— Madame…, balbutia M. de Sartines.
— Eh bien ! je vais vous le dire, moi, qui était dans ce fiacre, reprit la favorite ; c’était la duchesse de Grammont.
— La duchesse de Grammont ! s’écria le lieutenant de police.
— Oui, la duchesse de Grammont, laquelle venait vous prier de la faire entrer dans l’appartement du roi.
— Ma foi, madame, s’écria M. de Sartines en s’agitant sur son fauteuil, je remets mon portefeuille entre vos mains. Ce n’est plus moi qui fais la police, c’est vous.
— En effet, M. de Sartines, j’ai la mienne, comme vous voyez : ainsi gare à vous ! Oui ! oui ! la duchesse de Grammont dans un fiacre, à minuit, avec monsieur le lieutenant, et dans un fiacre marchant au pas ! Savez-vous ce que j’ai fait faire tout de suite, moi ?
— Non, mais j’ai une horrible peur. Heureusement qu’il était bien tard.
— Bon ! cela n’y fait rien : la nuit est l’heure de la vengeance.
— Et qu’avez-vous fait, voyons ?
— De même que j’ai ma police secrète, j’ai ma littérature ordinaire, des grimauds affreux, sales comme des guenilles et affamés comme des belettes.
— Vous les nourrissez donc bien mal ?
— Je ne les nourris pas du tout. S’ils engraissaient, ils deviendraient bêtes comme M. de Soubise ; la graisse absorbe le fiel : c’est connu, cela.
— Continuez, vous me faites frémir.
— J’ai donc pensé à toutes les méchancetés que vous laissez faire aux Choiseul contre moi. Cela m’a piquée, et j’ai donné à mes Apollon les programmes suivants : 1° M. de Sartines, déguisé en procureur, et visitant rue de l’Arbre Sec, au quatrième