— Donc, si M. de Choiseul vous donne l’ordre de me laisser persécuter, harceler, tuer de chagrin, vous laisserez faire ceux qui me persécuteront, me harcèleront, me tueront ! Merci.
— Raisonnons, dit M. de Sartines, qui prit la liberté de s’asseoir sans que la favorite se fâchât, car on passait tout à l’homme le mieux renseigné de France, qu’ai-je fait pour vous il y a trois jours ?
— Vous m’avez fait prévenir qu’un courrier partait de Chanteloup pour presser l’arrivée de la dauphine.
— Est-ce donc d’un ennemi, cela ?
— Mais dans toute cette affaire de la présentation, dans laquelle, vous le savez, je mets tout mon amour-propre, comment avez-vous été pour moi ?
— Du mieux qu’il m’a été possible.
— M. de Sartines, vous n’êtes pas bien franc ?
— Ah ! Madame, vous me faites injure… Qui vous a retrouvé au fond d’une taverne, et cela en moins de deux heures, le vicomte Jean, dont vous aviez besoin pour l’envoyer je ne sais où, ou plutôt je sais où ?
— Bon ! il eût mieux valu que vous me laissassiez perdre mon beau-frère, dit madame du Barry en riant, un homme allié à la famille royale de France.
— Enfin, madame, ce sont cependant des services que tout cela.
— Oui, voilà pour il y a trois jours. Voilà pour avant-hier ; mais hier, avez-vous fait quelque chose pour moi, hier ?
— Hier, madame ?
— Oh ! vous avez beau chercher. Hier, c’était le jour d’être obligeant pour les autres.
— Je ne vous comprends point, madame.
— Oh ! je me comprends, moi. Voyons, répondez, monsieur, qu’avez-vous fait hier ?
— Le matin ou le soir ?
— Le matin d’abord.
— Le matin, madame, j’ai travaillé comme de coutume.
— Jusqu’à quelle heure avez-vous travaillé ?
— Jusqu’à dix heures.