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Le postillon arrêta ; Gilbert alla tremper le mouchoir du vicomte dans la petite rivière.

— Ce garçon-là va nous gêner horriblement pour causer, dit du Barry.

— Nous causerons en patois, dit Chon.

— J’ai bien envie de crier au postillon de repartir et de le laisser là avec mon mouchoir.

— Vous avez tort, il peut nous être utile.

— En quoi ?

— Il m’a déjà donné des renseignements d’une grande importance.

— Sur quoi ?

— Sur la dauphine, et, tout à l’heure encore, vous l’avez vu, il nous a dit le nom de votre adversaire.

— Eh bien ! soit, qu’il reste.

En ce moment, Gilbert revenait avec son mouchoir imbibé d’eau glacée. L’application du linge autour du bras du vicomte lui fit grand bien, comme l’avait prévu Gilbert.

— Il avait ma foi raison ; je me sens mieux, dit-il ; causons.

Gilbert ferma les yeux et ouvrit les oreilles ; mais il fut trompé dans son attente. Chon répondit à l’invitation de son frère dans ce dialecte brillant et vif, désespoir des oreilles parisiennes, qui ne distinguent dans le patois provençal qu’un ronflement de consonnes grasses, roulant sur des voyelles musicales.

Gilbert, si maître qu’il fût de lui-même, fit un mouvement de dépit qui n’échappa point à mademoiselle Chon, laquelle, pour le consoler, lui adressa un gentil sourire.

Ce sourire fit comprendre à Gilbert une chose, c’est qu’on le ménageait : lui, le ver de terre, il avait forcé la main à un vicomte honoré des bontés du roi.

Si Andrée le voyait dans cette bonne voiture !

Il en gonfla d’orgueil.

Quant à Nicole, il n’y pensa même point.

Le frère et la sœur reprirent leur conversation en patois.