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n’oserais.

— Eh bien ! je vais la réveiller moi-même, attends, attends.

Et le personnage qui prétendait représenter Sa Majesté s’avança pour frapper le volet supérieur d’une longue cravache à pommeau d’argent qu’il tenait à la main.

Mais sa main déjà levée s’abaissa sans même effleurer le volet, car au même moment il aperçut une chaise qui arrivait au grand, mais au dernier trot de trois chevaux épuisés.

L’œil exercé de l’étranger reconnut les panneaux de la voiture, et il s’élança aussitôt au-devant d’elle, d’un train qui eût fait honneur au cheval arabe dont il ambitionnait la possession.

Cette voiture était la chaise de poste qui amenait la voyageuse, ange gardien de Gilbert.

En voyant cet homme qui lui faisait des signes, le postillon, qui ne savait pas si ses chevaux iraient jusqu’à la poste, fut enchanté de s’arrêter.

— Chon ! ma bonne Chon ! cria l’étranger, est-ce toi enfin ? Bonjour ! bonjour !

— Moi-même, Jean, répondit la voyageuse interpellée par ce singulier nom ; et que fais-tu là ?

— Pardieu ! belle demande, je t’attends.

Et l’hercule sauta sur le marchepied, et par l’ouverture de la portière, enveloppant la jeune femme de ses longs bras, il la couvrit de baisers.

Tout à coup il aperçut Gilbert, qui, ne connaissant aucun des rapports qui pouvaient exister entre les deux nouveaux personnages que nous venons de mettre en scène, faisait une mine rechignée assez semblable à celle d’un chien dont on prend l’os.

— Tiens, dit-il, qu’as-tu donc ramassé là ?

— Un petit philosophe des plus amusants, répondit mademoiselle Chon, peu soucieuse de blesser ou de flatter son protégé.

— Et où l’as-tu trouvé ?

— Sur la route. Mais ce n’est point de cela qu’il s’agit.