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— L’enfant dit vrai, s’écria la jeune femme. Postillon, n’y a-t-il pas un chemin de traverse ?

— Pour aller où ?

— Pour aller où vous voudrez, pourvu que nous laissions madame la dauphine en arrière.

— Ah ! au fait, dit le postillon, il y a ici à droite la route de Marolle, qui tourne autour de Vitry et va rejoindre le grand chemin à la Chaussée.

— Bravo ! s’écria la jeune femme ; c’est cela !

— Mais, dit le postillon, madame sait qu’en faisant ce détour je double la poste.

— Deux louis pour vous, si vous êtes à la Chaussée avant la dauphine.

— Madame ne craint pas de casser sa chaise ?

— Je ne crains rien. Si la chaise casse, je continuerai ma route à cheval.

Et la voiture, tournant sur la droite, quitta la grande route, entra dans un chemin de traverse aux ornières profondes, et suivit une petite rivière aux eaux pâles, qui va se jeter dans la Marne entre la Chaussée et Mutigny. Le postillon tint parole ; il fit tout ce qu’il était humainement possible pour briser la chaise, mais aussi pour arriver.

Vingt fois Gilbert fut jeté sur sa compagne, qui, vingt fois aussi, tomba dans les bras de Gilbert.

Celui-ci sut être poli sans être gênant. Il sut commander à sa bouche de ne pas sourire quand ses yeux cependant disaient à la jeune femme qu’elle était bien belle.

L’intimité naît promptement des cahots et de la solitude ; au bout de deux heures de route de traverse, il semblait à Gilbert qu’il connaissait sa compagne depuis dix ans, et, de son côté, la jeune femme eût juré qu’elle connaissait Gilbert depuis sa naissance.

Vers onze heures, on rejoignit la grande route de Vitry à Châlons. Un courrier que l’on interrogea annonça que non seulement la dauphine déjeunait à Vitry, mais encore qu’elle s’était trouvée si fatiguée qu’elle y prendrait un repos de deux heures.